Apologie de Talbert
Talbert nest pas seulement un héros du temps présent, cest
un concept en marche, un
personnage conceptuel aurait dit Deleuze, qui louche autant du côté
de Zarathoustra que
du Léopold Bloom dUlysses. Bloom parce quil est bien un homme
sans qualités,
Zarathoustra parce quil va sextirper de cette continuité
du rien qui figure notre
quotidien, par une quête quon ne peut qualifier que de métaphysique.
Que cette quête
reste inachevée, quelle passe par la voie politique et, enfin,
quelle soit illuminée par un
visage de femme nest évidemment pas innocent. Le concept en marche,
cest comme
lhomme éponyme de Giacometti, le mouvement dun corps étique
dont on sent bien
quil narrivera pas à destination. Encore une fois, cest
la quête en elle même, sui
generis si lon osait, qui nous intéresse ici. Et quelle traverse
Talbert de part en part à
tel point que, San Antonio de série B, il devienne le devin prophétique
de
lauto-dissolution du parti socialiste de France, un membre actif de la
nouvelle
Internationale anti-libérale, un amant comblé puis déchu.
Talbert ne clôt rien, il ouvre vers, ce qui est la moindre des choses
pour un personnage
conceptuel né dun ouvroir. Si il y a concept, cest quil
y a problème, et le problème de
Talbert cest quil sent brutalement quil nest pas de
plain pied dans lexistence, que sa
propre vie lui échappe, quelle lui semble se déréaliser
à vue dil. Doù un long
tâtonnement, où lironie le dispute à la gravité,
la facilité à la tentation poétique, vers un
rétablissement de lui-même dans lintégrité
de son être. Mazette, dira-t-on, quel
programme, cest que Talbert, au delà des apparences, est un personnage
conceptuel
ambitieux.
Si Talbert était spinoziste, il dirait quil sagit pour lui
de sortir des considérations de
premier ordre, celle des idées inadéquates. En dautres termes,
de la confusion. Car,
comme chez Spinoza, cest hic et nunc que cela se joue, pas hier ni demain,
il y a bien
une sorte déternité qui se donne dans linstant, dans
le déroulement même de la vie, et
ce qui mourra de soi cest uniquement tout ce qui appartient à léquivoque.
Le reste peut
rêver déternité
Ainsi Talbert est-il univoque
dans laction comme dans lamour. Il
renvoie dos à dos les puritains et les libertins en posant dabord,
même si il ne la nomme
que par euphémisme, la question du bonheur. Il ne sagit pas dune
morale
(transcendante) mais bien dune Ethique (immanente) où, et là
cest létymologie qui
parle, le corps soit en harmonie avec le monde dans toutes ses parties : que
lon prenne
limage du nageur dans une mer domptée.
Louvroir étant politique, lambition campe aussi sur cette berge là.
Le mot dordre de Talbert dauto dissolution immédiate et
inconditionnelle du parti socialiste de France, ce
nest pas plus de la blague que de la prédiction, cest le
produit dune analyse des
conditions objectives du Kapital actuel le capitalisme tardif -et de
la superstructure
politique quil génère sous la forme de la Gauche dite de
pouvoir. On ne niera pas quil y
a un moment chez Talbert une forme de délire schizophrénique,
mais cest justement
celui de linitiation, ce moment de grand décodage de tous les flux
qui nous traversent.
On citera ici cet autre grand schizophrène quétait Nijinsky
vociférant " A mort
largent, à mort la Bourse ! ". Talbert, à sa manière,
arrive, certes plus apaisé, à un tel
point dincandescence, qui lui fait balayer les vieux appareils de représentation
qui sont,
à linstar de ces créatures de Tex Avery, en train de courir
au dessus de labîme on dit
gérer, fonctionner sans se rendre compte que la force de gravité,
dans tous les sens du
terme, va reprendre ses droits. Le plus étrange étant que lintuition
talbertienne se
concrétise au delà du raisonnable dans les faits. Plus profondément,
que nous dit Talbert
au sujet du capitalisme tardif ? Dabord que cest un système
paranoïaque qui ne vise
quà sécuriser les gains des gagnants, quel quen soit
le prix. Ensuite, et surtout, que cest
un pur système de flux une sorte de spéculation permanente
sans aucun codes et sans
autres fondements quune axiomatique par nature indiscutable. Alors, il
faut, à sa
manière, déserter pour mieux lutter, car il nest pas de
dialectique possible. Enfin, il
nous parle de la déréliction des êtres, rapportés
par le système à léchelle de leurs plus
bas instincts.
Talbert naspire pas à la grandeur mais à lélévation.
Il cherche une réconciliation,
peut-être dabord avec lui même, pour recouvrer le sens de
laltérité, le battement de la
vie bien au delà de la simple rumeur du monde. Ce concept en marche ne
cessera pas son
mouvement, il nous travaille de lintérieur. Peut-être prendra-t-il
dautres corps dans le
Gange de notre imaginaire. Talbert nexige rien de nous, ne désigne
formellement
aucune voie : il éprouve, dans tous les sens du terme, et nous le laisse
à sentir, à ressentir.
Son défi, dune certaine manière, nous dépasse mais
il ne cessera pas de nous
aiguillonner. Et cest en cela quil est grand. Comme par son humilité,
et sa confiance,
finalement, de laisser le monde venir à lui. Comme par sa détermination
à recouvrer une
intégrité au cur de sa liberté, une liberté
en son intégrité.
Que vive Talbert et que vive lInternationale Libertiste
Pour relire le cadex
Pour revenir à la homepage