France info 12 heures 18
La météo cet après-midi sera maussade, des nuages bas et lourds...
Talbert, maintenant totalement réveillé, fit un signe de la main à Maria-Roberta, lui demandant de
se retirer. Ce qu'elle accepta sans bonheur mais pensa-t-elle par abnégation pour celui qui l'a
émancipé de sa condition de femme soumise, celui qui par sa fougue amoureuse a fait tomber cinq
siècles d'interdits, de refoulements, celui qui par ses états d'âmes permanents lui a entrouvert la
porte d'une existence inimaginable jusque là.
La dépression issue possible au monde...
Alors que toute entière à sa nouvelle cause, celui auquel elle vouait ses sens, le messager, passa
hagard devant elle. Elle lui emboîta le pas sans qu'il ne lui dise rien. Elle avait renoncé depuis
longtemps, à comprendre celui dont elle ne prononçait plus le nom. Sa soumission (islam) n'était
cependant pas à un homme mais à un nouvel ordre intérieur, une foi démesurée, irrespectueuse
des dogmes anciens.
Maria Roberta l'apôtre, dut pourtant rapidement affronter son premier schisme intérieur et
entamer recta une révision de son apologétique. En effet, alors que Talbert franchissait le seuil de
l'hôpital, il se retourna et vit dans Maria qui le suivait, une apostat telle qu'il les avait en sainte
horreur.
Il s'avança alors vers elle et la gifla violemment ; ponctuant son geste de propos peu amènes :
" Fous le camp salope ! qu'est-ce t'a à me suivre comme un vieux cleps pouilleux, tu vois donc pas
que j'ai les flubes, que j' les ai à zéro. Pauvre conne tu croyais tout de même pas que j'allais
longtemps baiser avec ta moustache, allez casse toi roulure, j'ai besoin d'air pur et toi tu renifles
du bec. De plus, c'est pas les cachous que tu t'enfiles à longueur de temps qui y changeront
quelque chose. "
Mais aucune épreuve n'eut dissuadée Maria Roberta, aucun obstacle ne la détournerait plus de son
devoir. Elle l'avait dans la peau, elle le retrouverait, eût-il fallu aller au bout du monde.
Talbert disparut au coin du boulevard.
" Maudit soit le jour qui ma vu naître, qu'ai-je affaire de votre monde. Chaque jour qui passe voit
l'agonie du sens. Ce que j'ai fait, je l'ai fait au nom d'une cause. Qui peut dire qu'il en soit
encore. Ou même ce qu'il en est.
Bon dieu qu'ai-je à voir avec votre salmigondis pour mauvais polar, ces ragots que vous colportez
sur moi. Moi j'ai fait ça pour l'honneur, le nif du Kabyle !
Je ne me bats pour rien d'autre que l'honneur, celui de mon pays, celui de ma femme, celui de
mes amis, le mien. Et peu importe ce que vous en pensez.
L'honneur, ma cause, ça vaut bien tous vos propos erratiques, vos professions de foi imbéciles,
vos bonnes résolutions, celles que vous foulez aux pieds l'heure d'après.
Je me bats pour rester vivant, hors du propos des zélateurs comme de celui des contempteurs,
contre la fatalité du monde. Contre l'érection des fausses pudeurs, de l'hypocrisie en système,
en valeur fatale. Contre encore la fractalisation des êtres.
Je me bats contre la gangue pour le noyau. J'affronte l'écorce et jouis de son amertume car elle
est l'amertume contre les douces engeances que l'on donne aux enfants. J'abhorre la candeur
sucrée du bourgeois qui s'émeut de ce que la multitude engendre du danger.
Je hais le supermarché de la mauvaise conscience, les boîtes de conserves qu'on donne à la
charité en voulant faire croire qu'elle n'est pas déjà ordonnée.
L'honneur oui, mais ma foi contre les bonimenteurs en tout genre, ceux qui nous gouvernent. La
religion oui mais sans le rituel, les femmes oui mais avec leurs instants de vérité, l'amour et la
haine comme réalité des êtres. La vie mais avec la mort comme condition de l'être.
J'allume partout les feux de la lutte, les contre-feux de la résistance. Je me destine à battre en
brèche les vérités premières, celles de la raison raisonnante, et contre le philosophe qui prétend
que nihil est sine ratione, je vous dis que moi-même je suis sans motif, seulement
comme il vient que je suis, avec aucune autre raisonŠje suis !Š ".
" Mais, que fais-tu là, pourquoi ?... toi, ici maintenant ? toi que j'aime tant, tu tombes si mal, ne
vois-tu pas ? Il est sans-doute déjà trop tard ! que dis-tu je ne t'entends pas. Tu devrais briser la
vitre et me rejoindre ici dans le studio. Tu as peur, ha tu penses que je vais trop loin. Mais la
vérité est que je n'ai rien d'autre à te proposer que l'amour et la mort, la tragédie, la catastrophe
comme autrefois à l'époque des vivants, sache, sache bien que je t'aime et que comme à chaque
fois où j'ai aimé mon horizon se réduisait à la sensation vive, forte, indicible de ma complétude.
Aujourd'hui je me sens fort de tout. "
Talbert saisit d'une main le micro, et de l'autre braqua son fusil mauser sur l'animateur et les
techniciens qui l'entourait.
" Ecoutez-moi bien vous autres, de la police, de l'Etat policé, les auditeurs par accoutumance, les
gouvernants dans l'absence ?Š je veux vous dire combien je l'aime, et ce qu'elle m'est. Mais je
vous tiens rigueur de ne pouvoir l'aimer autrement que dans notre déréalisation, autrement qu'en
sacrifiant notre amour à mon grand dessein. Oui Florence-Iphigénie, tel était le destin de notre
bel amour !
Ecoutez-moi bien vous autres, non je ne suis pas fou, non je n'ai participé à aucun complot, je
veux seulement que s'ouvre ici une ère nouvelle, celle de la potentialisation du spectaculaire
jusqu'à sa fission ; Comme premier acte, je réclame l'auto dissolution immédiate du
parti Socialiste !!! "
" France info il est 12 heures 53, cela fait maintenant 25 minutes que le dénommé Talbert tient
en joue notre confrère et son équipe technique. Il paraît très calme et déterminéŠ "
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