Chap XXIX

(Retranscription du cours de Samuel Gondstromm, Professeur d’histoire politique post-exotique à
l’Université de Berkeley, Etats-Unis d’Amérique, 2 février 2091/ traduction américain/français de Buck
Mulligan, dead languages department, assistant lecturer)

Si je vous ai recommandé la relecture attentive du chapitre 28 de l’open cadex de l’oupopo, ce n’est
évidemment pas un hasard : on y trouve ce que j’appellerai le concentré actif de ce qu’on a ensuite
nommé le talbertisme, dont noussavons tous ici quel fut le destin ultérieur et combien il marque encore
notre temps. Avant d’aller plus loin, pour desraisons exégétiques, je tiens à préciser que la plupart des
oupopologues attribuent ce chapitre 28 au Kam Larabi, ce qui, à mon sens, ne fait pas de doute.

Certes, les Professeur Chang et Dhorasso ont émis l’hypothèse d’une collaboration sur ce chapitre entre les Kams Ulmer et Larabi, mais vous me permettrez de revenir sur ce point un peu plus loin.

Dans un premier temps, je souhaiterais re-contextualiser ce texte dans la double tradition braudelo-bourdieusienne.
Tout le monde s’accorde sur la date d’écriture qui est de fin janvier, début février 2002, selon le
calendrier de l’époque, c’est à dire, l’an 1 de notre ère. D’un point de vue macropolitique, le monde
d’alors est encore dominé par les attentats du 11 septembre, fondateurs de notre post-monde, la récession
économique de ce que nous appelons aujourd’hui l’empire, les soubresauts politiques et sociaux de la
mondialisation “à l’arraché”, pour reprendre un terme du Kam Ulmer (in “Post-situations, volume III, p
157, “De la mondialisation “à l’arraché” et de l’immanence du politique”, mars 2003). Le capitalisme
“tardif” (voir, sur ce terme, Tiqqun, “La théorie du Bloom, 2000, mouvement post-normalien dont la
fusion avec l’oupopo sera effective au début de 2003, an 2 de notre ère) entre dans ce que l’oupopo
appellera ultérieurement sa “crise de maturité”, décrite comme le moment où “la puissance de son
complexe “militaro-industriel” (le vocabulaire est, ici, volontairement emprunté à Cornelius Castoriadis, voir l’incidente elliptique - volume II, page 789, de la correspondance électronique Ulmer-Larabi - du
Kam Ulmer écrivant : “Chez Casto, y’a tout ce qui faut, outils et matériaux”) est inversement
proportionnelle à sa déréliction politique et métaphysique”.

L’Europe est déjà ce qu’elle est encore aujourd’hui, à savoir, selon l’oupopo (verset 78 du Manifeste post-régressif, 2004) “ce point aveugle du monde engoncé dans un confort involutif (le concept est attribué à Larabi/Ulmer), cette zone de vassalité (idem) à l’empire engluée dans la bonne conscience et l’ivresse d’une technologie purement réifiante (idem), cet espace de déclin et de crépuscule des valeurs portantes de l’être qu’elle fuit dans une vaste simonie de ces mêmes valeurs”.

Enfin, la mort du post-Kam Bourdieu laisse un vide immense dans la pensée critique même si il s’agit (sourate 16 du chant des oupopiens, 2002) “de la subjuguer en continuant à en dérouler l’hologramme des possibles”. Notons ici qu’à partir de ce moment, l’oupopo se situera (note 25 du manifeste post-involutif, 2002) dans l’espace magnétique d’une double polarité Bourdieu/Baudrillard “où le chant/champ des possibles se détermine aux confins d’une posture d’un da sein/ da nicht zu sein au système qui amène celui-ci à sa perte autant qu’à sa transvolution (ce concept de transvolution est attribué au Kam Ulmer, “synthèse post-catégorique improbable et outrageusement potentielle” selon ses propres mots - Manifeste post-philosophique, p.223, in “L’Idée, un bonheur neuf en Europe” - entre la transvaluation des valeurs nietzschéenne (Umwerthung aller Werthe) et la révolution selon St Just (-108 avant le 09/11/01). J’aborderai ce concept central au second semestre.

D’un point de vue micro-politique maintenant, le texte de ce chapitre 28 est écrit à l’orée d’une élection présidentielle dans la province de France que l’oupopo qualifiera ultérieurement (in “Manifeste post-électoral”, sous titré “De l’approfondissement démocratique comme urgence et de l’auto-dissolution du parti socialiste de France comme nécessité”, juin 2002) de “ farce impie, simulacre inouï, simulation scabreuse des idéaux collectifs fondamentaux post-historiques”.

Enfin, d’un point de vue purement “organatique” (ce terme apparaît la première fois en septembre 2002 dans “Socio-analyse de l’oupopo, ouvroir/miroir lucide et clinique d’une litanie programmatique pour les générations à venir”), le chapitre 28 est écrit à un moment clé de l’histoire de l’oupopo puisqu’il fait suite à la querelle de l’exergue de l’open-cadex (on en retrouvera l’analyse intégrale in “open cadex, exergua querellus”, 2075, an 71 de notre ère, thèse du Professeur Wahid Gonzales, Damas University n°256).

En effet, ce chapitre acte la mise en place de l’axe programmatique Larabi/Ulmer au sein de l’oupopo, en opposition claire et affichée à la tendance que nous désignons aujourd’hui comme post-archaïque de G.T., partisan transparent d’une inféodation de l’oupopo au parti socialiste de France.

J’aborderai d’abord la question, ô combien cruciale, de l’axe Larabi/Ulmer. Vous vous souviendrez, qu’au début de ce séminaire, j’ai évoqué la discorde (premier volume de la correspondance électronique Larabi/Ulmer, p. 85-157) entre les Kams Larabi et Ulmer, âpre et étincelant débat qui, décodé, nous livre une des plus belles joutes intellectuelles depuis le débat Heidegger/Cassirer de Davos en 1929 (-72 av. Ben.L). De quoi s’agit-il ? Pour simplifier, je dirai que le regard posé par ces deux Kams sur le système est convergent et concordant mais, qu’à cette époque (1999, soit -2 avant notre ère), ils diffèrent dans le sens à donner à la lutte immanente que l’oupopo a à livrer. Larabi pousse ouvertement à entrer en conflit spirituel avec le système, c’est le concept jeune-oupopien de soufrisme, tandis qu’Ulmer campe sur une position encore archaico-philosophique et post/néo marxiste.

Ce débat sera peu à peu subjugué par un rapprochement commun sur le terrain de la métaphysique critique, phase qui sera couronnée par la fusion avec le mouvement Tiqqun et par sa publication commune avec l’oupopo début 2003 (soit 2 de notre ère) du Manifeste de l’ante métaphysique critique, sous-titré, “De la nécessité de la fusion des forces de la métaphysique critique dans une triple dimension trans/transe-générationnelle, trans/transe-disciplinaire, et trans/transe vivatoire (concept élaboré sans doute en commun lors du premier concile critique post-dissolutoire). Bien sûr, et nous abordons là un point central, certains des mes collègues (Labovitch, Krishnou, Tsin Tao, Corona) datent l’établissement de l’axe Larabi/Ulmer des chapitres antérieurs, dits de “France Info”. Je ne conteste pas réellement ces analyses, particulièrement parce qu’elles viennent des meilleurs spécialistes de la jeune-oupopo, mais je la nuance.

Comme vous le savez, j’ai montré dans ma thèse, soutenue ici-même - De l’oupopisme au talbertisme, le nouvel éclairage porté par l’étude des archives de Thorigny, Berkeley, 2073 - que les chapitres dits “France Info” fondent un axe commun Larabi/Ulmer essentiellement en réaction à l’axe archaico-socialiste de la mouvance G.T. Cette alliance encore réactive pose le cadre de ce que j’appelle l’oupopisme, c’est à dire, un ouvroir d’ouvroir au talbertisme non encore pleinement assumé.

En d’autres termes, dans les chapitres “France Info”, il s’agit encore, dans un processus de destruction/création, de conceptualiser/clamer l’appartenance à l’oupopo en deça/delà de Talbert tout en en faisant une sorte de médiateur chimique vers ce que l’on ne peut que nommer de façon anachronique le talbertisme. C’est pourquoi le chapitre 28 est central en cela qu’il opère ce saut qualitatif en oupopisant Talbert tout autant qu’il talbertise l’oupopo. Je note d’ailleurs en passant qu’il est bon que la mouvance du kam G.T soit encore célébrée de nos jours en toute magnanimité, en cela qu’elle a permis à la jeune oupopo d’accoucher d’elle-même du talbertisme.

Tout en reconnaissant cette vertu de catalyseur à la mouvance G.T., je n’irai pas pour autant jusqu’à l’aporie de mon collègue Dariulat (Paris/Texas, University) qui fait dans son triste livre “Enfin la vérité sur la jeune oupopo” l’apologie de G.T. sous prétexte qu’il serait le grand stratège de cette mutation, sur la base de faux aussi grossiers qu’apocryphes.
Si vérité il y a, c’est que la mouvance G.T. a formidablement encouragé par le biais de sa seule posture inerto-historique, campée sur une vision béato-positive et réalistico-normative de la période (on se reportera à ce titre au Lied 37 de l’oupopo opus2003 dont le refrain est : “vive l’habitus, vive l’habitus, vive l’habitus G.T. !”) le post-aufhebung trans-hegelien de la jeune oupopo qui a revolutionné notre rapport au monde et à l’intime de l’être, dans une même volte imprévisible.

Nous voilà donc, ces choses dites, au coeur même de l’open cadex exergua querellus, contemporaine du chapitre 28, les archives de Thorigny en faisant foi.
Nous avons sur cette base développé la thèse que l’axe Larabi/Ulmer, préalablement établi dans les chapitres France Info, change de nature sous la forme d’un partage des tâches : au Kam Ulmer la mission de mener le débat interne au sein même de l’oupopo, débat qui culminera au cours de l’open cadex exergua querellus ; au Kam Larabi de porter le fer au sein même de la vitrine officielle de la jeune oupopo, l’open cadex, ce qu’il fera avec ce chapitre 28.


Commençons par le premier aspect, l’open cadex exergua querellus : de quoi s’agit-il ? De placer en exergue, sous l’impulsion du Kam Ulmer, la note célèbre et si inlassablement interprétée qu’il est inutile de la citer in extenso, où il est clairement exprimé que la revendication talbertienne d’auto dissolution immédiate et inconditionnelle du parti socialiste de France est la clé de la libération collective et (c’est nous qui soulignons) du bonheur intime. Tout le monde a en mémoire la réponse archaico-boudeuse à cette proposition de la mouvance G.T., nous n’y reviendrons pas. Reste que, et les archives de Thorigny en font foi, cette proposition d’exergue du Kam Ulmer a reçu l’assentiment pleine et entière du Kam Larabi.

C’est alors que se préfigure le partage pré-cité des tâches de l’axe Larabi/Ulmer que le chapitre 28 nous révèle, d’où sa relecture aussi nécessaire qu’impérative. Le chapitre 28 peut d’abord se lire comme une sorte de récapitulatif consciencieux et exhaustif de l’oupopisme tel que Talbert le porte. En cela, et par sa vertu testamentaire, il porte en germe les prémisses du talbertisme sui generis. Ensuite, le chapitre 28 peut également se lire comme une ode au bonheur intime dans la description qu’il fait de Talbert, arraché à sa clandestinité territoriale par l’impérieux désir de rejoindre Florence : il montre en cela que l’ailleurs n’est pas affaire d’espace mais de désir. Les deux pans de l’exergue du Kam Ulmer (libération collective/bonheur intime) sont ainsi subtilement recouverts dans le corpus même du texte fondateur de la jeune oupopo par le Kam Larabi dont la ruse va jusqu’à masquer la revendication d’auto-dissolution du parti socialiste de France tout en la laissant à lire en filigrane à l’oeil exercé du lecteur.

C’est bien évidemment un moment de pur magie, en lui-même, tout en sachant combien il est difficile de dire cela alors même que ces deux textes nous hantent quotidiennement sans que nous puissions exprimer la gratitude de notre dette. Voilà pourquoi, à notre sens, ce chapitre 28 impose en creux cette mutation fondamentale de l’oupopisme au talbertisme.

On pourra gloser à l’infini sur l’aspect conscient et stratégique de cette métamorphose, vanitas vanitatis, l’essentiel est, là aussi, ailleurs : Talbert est subjectivé comme oupopien et, par ce jeu même, l’oupopisme accouche du talbertisme en toute lucidité. Les deux impératifs insécables de l’oupopo, libération collective/ bonheur intime, sont clairement affichés dans la proposition hologrammatique des mots d’ordre fondateurs de la jeune oupopo et de la quête du bonheur intime, incarnée par Florence, symbole de l’amour à conquérir, en une sorte de pulsion irréfragable. Paraphrasant Wittgenstein, on pourrait dire que l’axe Larabi/Ulmer nous glisse en creux que “Le monde est tout ce qui est à conquérir”.

Ce que l’oupopo mature, juste avant sa mutation en Internationale Libertiste, déclinera en un manifeste titré “ De l’insatiable stratégie de conquête des degrés de liberté” (2005, an 4 de notre ère), texte qui célèbrera le passage du talbertisme au libertisme - celui dans lequel nous baignons au quotidien mes chers Kams - comme le chapitre 28, tel que nous l’avons analysé, entame la longue marche de l’oupopisme au talbertisme, ce dernier n’étant que le second avatar d’un tryptique désormais révélé tout en sachant que “l’espace des possibles est aussi infini que l’universel et, qu’en cela, il est universel et infiniment transitoire... " (Manifeste libertiste, p.202, 2006, an 5 de notre ère). Je vous remercie de votre attention, à la semaine prochaine.

 

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