Mon esprit était flageolant comme un plat de gelée anglaise que les Rosbifs dégustent twice a
day sur leur île brouillardeuse.
Pour me remettre, j'alpaguai le loufiat et j'enfilai coup sur coup deux doubles cognac dans
deux verres.
Quand je n'eus plus de glotte, les verres étaient vides et mes guiboles un peu cotonneuses.
Il fallait raisonner recta.
Une zesse de ce calibre pouvait être très maligne encore qu'elle n'eût pas durant la nuit
précédente fait montre d'une vivacité intellectuelle surpuissante.
Mais elle ne pouvait décidément pas, après une chute de plusieurs dizaines de mètres et ce
qu'elle avait subi précédemment, remarcher gaiement avant un repos complet avec pension
complète Madame Assistance Publique d'un minimum de 3 ou 4 mois.
Donc, chers lecteurs, ce ne pouvait être la même. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
Nonobstant, il était vital que je continue l'enquête pour laquelle j'étais censé oeuvrer et
qui m'avait mené la veille dans ce trou à rats puant et mal fréquenté.
Je cherchai depuis quatre foutus mois à pénétrer un réseau de trafiquants de bagnoles
volées. Trafic qui, je l'avais démontré au cours de mes recherches, était doublé par un
trafic parallèle de filles publiques en provenance de l'Est de l'Europe.
Le beuglant que j'avais visité était l'un des lieux de rencontre des lascars et la donzelle
l'ex protégée de l'un des responsables des trafics.
Sa disparition accidentelle m'obligeait à dévider la bobine à nouveau, bonjour Sisyphe, la
troisième fois puisqu'à deux reprises déjà le témoin de première bourre que je
m'apprêtais à empogner se faisait décaniller par overdose de plomb. Le saturnisme
foudroyant, quoi !
Les bagnoles volées à travers l'Europe occidentale, du Danemark à la Grèce, y a une
distance certaine, disparaissaient depuis près d'un an à la vitesse du son, puisque le
cerveau du gang avait été repéré à Eguisheim, centre géographico -économique de l'Europe
depuis que les Fridolins des deux branches se sont rappelés qu'ils étaient Germains.
Centre, disais-je, si l'on pondère par la densité des zones habitées.
Installés sous couverture dans une brasserie de la région, les malfrats d'origine
diversifiée maquillaient à tout va avant de disparaître dans le néant.
Leur chef, un nain malfaisant, ancien druide en la forêt de Brocéliande, avait été occis dans
un duel où son rival avait lui perdu un oeil.
On soupçonnait les arsouilles d'avoir recruté des pelletées d'anciens agents des services
de l'Europe orientale d'avant la chute du mur, et de bénéficier ainsi de l'expertise brutale
de lutteurs sibériens ou daghestanais, d'empoisonneurs bulgares, de cambrioleurs tzigano - roumains,
n'en jetez plus c'est une valse.
L'ensemble du service auquel j'appartenais était mobilisé sur ce dossier, depuis le grand
chef, valet zélé et obséquieux du pouvoir en place, quel qu'il fût, jusqu'au grouillot de
base, TUC ou emploi jeune était censé turbiner 25 heures sur 24 pour débusquer ces rats
fétides.
C'était du non stop, week-ends et jours fériés, donc peu de temps pour autre chose que
l'action, tenter de joindre enfin un des lascars formant le sommet de la coupole car
comme d'autres organisations comme la vieille Cosa-Nostra ou la plus jeune ETA,
l'organisation des bandits était sévèrement cloisonnée, s'évitant la culbute à chaque
succès poulaga.
Car malgré tout, des succès, la loi et l'ordre en récoltaient, portion congrue, péniblement,
à petit pas menus.
Mais ce que nous cherchions ardemment, c'était le moment de la grande lessive, qui lave
plus blanc que blanc, qui arrache jusqu'aux poussières de vermine, qui récure jusqu'à l'os
le tréfonds de la fibre ...
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