CHAP IX

Ma tire ailleurs, ce n'est galéjade qu'apparente.
Cette voiture, je l'avais depuis des années et les souvenirs abondent encore dans mon
esprit surchauffé des jeunes filles attirées sur la banquette arrière (" Stains on the
backseat " chantait Paul Weller du temps de Jam).
Il arrive que la pression s'accumule sur le carafon, et on sait populairement que tant va la
cruche à l'eau qu'à la fin Š
Les menaces et la pression physique de Gushbore et de son service d'ordre multicolore, les
cadavres qui s'amoncellent, mon à peu près unique possession terrestre en fumée, cela
commençait à faire un peu trop pour un seul bonhomme.
Après tout, tout homme a ses faiblesses de temps en temps et cette fois j'étais lessivé
de chez Paic Machine double action anti redéposition.
Le point sur l'affaire :
Un vaste trafic international, une enquête de plusieurs mois, aucune certitude, un gros
bouc américain sûr de lui et dominateur, un soupçon redondant de manip générale
orchestrée par va savoir qui, et pour couronner le tout, on commence à s'attaquer à ma
personne de manière certes indirecte mais extrêmement proche.

Il fallait que je me dégage physiquement et psychiquement de cette spirale infernale.

Pour cela, mes finances personnelles ne me permettant pas de décoller pour Bali, comme la
situation l'eut exigé, je décidai de rejoindre le Sud de la France, et plus précisément la
ville de Fabio Montale, où j'avais à la fois quelques attaches et le sentiment de la plénitude.

Je gagnais donc la gare de Lyon à toute berzingue, en prenant le temps d'appeler mon
responsable professionnel, d'invoquer une vague piste dans le Sud de la France obligeant à
un voyage express et de supposer des complications nécessitant une probable semaine sur place.

Dans le train sifflant gaiement, je piquai un roupillon réparateur, néanmoins peuplé de trafics
et de trafiquants grimaçants et ponctué d'interventions gushboresques du plus bel effet.

Arrivé à la Gare Saint-Charles quelques heures plus tard, je me dirigeai illico vers le
Vieux-Port, à l'affût de l'insondable ambiance locale, faite d'embruns, d'odeur de poisson
du marché du matin, ainsi que de l'ensemble des bruits typiques de la ville portuaire.
Je me promenai deux heures et finis par la Joliette en traversant les quartiers du Panier,
si semblables à l'Italie, où j'avais d'autres souvenirs.

Je parvenais à décompresser lorsqu'un quidam sortant des docks m'interpella à tue-tête.

" Hé Burma, c'est toi ".
Je me retournai vivement pour identifier l'altercateur.

" Bon sang, Galibier, c'est toi, on ne m'a pas appelé Burma depuis l'école de police ".

" Qu'est ce tu fous ici, M. Propre ", reprit l'individu.

" Suis en vacances, bien méritées d'ailleurs, et toi, toujours dans la Mondaine ? "

Galibier rétorqua par un bruit de bouche significatif, puis enchaîna :
" j'ai quitté la maison Poulaga ; çà fait une paye, maintenant, je suis dans l'import-export
dans la région . Que deviens tu, toujours sur la piste de dangereux criminels ".


Je répondis par un sourire à vocation mystérieuse. Galibier avait toujours eu une
réputation moyenne depuis l'école où nous étions ensemble quelques années plus tôt des
apprentis condés.
L'atavisme peut-être; son père, Alfred Galibier, avait, après une carrière très honnête de
coureur cycliste professionnel au début des années cinquante, monté divers trafics.
Depuis le cambriolage des premières grandes villas de la côte d'Azur, jusqu'aux débuts de
la French Connection, l'Alfred en avait fait baver à la poulaille, assez insaisissable. Il
n'avait pas encouru une seule peine de plus de trois mois, puisque la preuve de son
implication n'était toujours que supposée.

Galibier, à l'école déjà, traficotait dans les montres et les stylos et se piquait de politique.
Il avait acquis divers surnoms du fait de ces activités.

Je replongeai à toute allure dans ce passé enfoui dans ma mémoire.

Le pouvoir, les filles, le fric, Galibier en était friand.
Peu gâté par la nature, gras, une voix fluette, il compensait son physique ingrat par un
réel charisme et une véritable capacité à entraîner les autres dans ses péripéties.

Mais ce n'était pas le moment pour moi de discuter avec ce poulaga déchu ; aussi lui
proposé-je de le rappeler un peu plus tard en prenant son numéro de portable.

Je n'avais plus qu'une hâte ; prendre une douche et téléphoner à une douce amie depuis mon hôtel.

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